mardi 17 novembre 2015

BONNET BLANC



« Ca va potau ?… p- potau, attends… ’tends, potau… :
j’ai faim !… », sa voix cassée, érodée, lèvres sèches,
martelées com un pêché, terre en Sahel… « Ah
j’ai rien à manger sur moi… désolé… », ma voix

pressée, mal à son aise… et même àl y m’en tape
encor cinq de ses doigts crevassés jusqu’aux ongles !…
C’est notre petit clochard, notre pauvre noir,
nègre pour beaucoup… faya aux réveils, piave

ses duffs mêm dans ses rêves les plus flous de cri-
ave en complet, menus et vins, vastes banquets…  
où Chaleur coule à flots et Mépris reste à quais..

et Zermi contre Vie est enfin en procès.
Voilà… c’est com aç tous les matins, fins de nuit
pour lui… moi je pars, fuis, instar la foule grasse…

lui il reste là, dans ses quartiers… à gester,
déambuler… à crier sa schizophrénie
à qui veut l’entendre..  un autrui pas d’ici.




Notes :
Potau : pote, ami ; Faya : ivre, défoncé ; Piave : bois ; Duff : bière ; Criave : mange ; Zermi : Misère ; Instar : à l'instar, comme ; Gester : faire des gestes erratiques

(Extrait ELP, Recueil I "Homme de Nulle Part", © L.F. Keenan, 2015, tous droits réservés)

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