mercredi 28 octobre 2015

DU GOD I



Tout au bout de la nuit, aux portes de l’infâme aurore,
les sens pétris d’évocaïne, la gorgone au corps,
l’âme quasi raide s’humiliant en génuflexion,
examinant les cieux, je quête une perturbation…
un méta-trouble physique, enchantement, artefact… :
la Grâce féérique prête à pardonner mes actes.
Loin, entre les lisérés nébuleux, je scrute… en vain…
Hélianthe est aux zéniths lorsque je rebrousse chemin,
me relève, l’âme en haine, et m’enfonce dans les bois…

— Pourquoi ? Pourquoi pas une lumière à travers moi ne passe ?  Dieu ! , toi qui laisses aux ombres mon mysticisme, pourquoi me faire souffrir d’agnose, non d’athéisme ? !

Tandis que j’erre à la poursuite du Réel, soudain ! ,
je butte sur un bouquet de racines, une main,
dont les doigts jaillissent tout droit des entrailles de Sion…
et mon crâne se fracasse sur un sol d’aiguillons
en un craquement mortel ! Ma foi lentement trépasse…
et alors qu’à mesure la raison reprend sa place,
d’un coup d’un seul ! , je dégueule toutes les religions !…
L’apostasie consommée, tout en sang et larmes grasses,
la contenance vidée de tout sauf de convulsions
ultimes, mon âme à son tour parjure trahison :

— Ô Dieu ! : si donc tu ignores la passion pour mes choses autant que la passion que je souffre en ton nom !… si tous ces purs esprits n’ont été que purs mensonges, et, hormis le Néant, ne m’ont in fine rien appris !… s’il s’avère qu’en somme le Mégalo avait justement vu tout le vice qui se drape dans le manteau de tes grands mots !… alors voici, et ce jusqu’à la fin des temps ! , jusqu’à la fin des maux ! , jusqu’à mon dernier cri ! , garanti sans moraline, tout le projet d’une seconde vie :


Je jure de versifier en médecin tout mon fiel
contre toi et les tiens ! , d’aux Saints décocher le scalpel
afin de crever le cœur de tous tes fidèles ! Tous !…

Peu importe le gagelan dans lequel ceux-ci gloussent,
qu’ils soient nés babtourbes, dés-bri, abasanés ou krèles,
j’y mettrai la colère de l’abandon ! , tout mon zèle !

Oui je le jure devant toi ! , sur ta tête ! , aussi sûr
que j’existe, parole d’allégoriste ! , d’impur ! ,
d’animal imparfait !..  J’en fais le serment d’Antéchrist !




Notes :
Evocaïne : drogue
Le Mégalo : Nietzsche
Gagelan : langage
Babtourbes : babtous-tourbe (babtou : personne de peau blanche)
Dés-bri : verlan de Bridés
Abasanés :  abats-basanés (basané : personne à la peau brune)
Krèles : personne à la peau noire


(Extrait ELP, Les Recueils Négatifs, Recueil -II "Du Côté Vitriol" © OBPI/BBIE n° i-depot 062740)




dimanche 18 octobre 2015

COMME CELINE



Tu as la haine hémophile
et la colère stellaire
K. , tu le sais bien… Et Frère,
fine tu sais aussi qu’ils

– maux – ne font rien à l’affaire…
Bien plus qu’eux tu es hostile !…
outre envers toi-même, envers
les tiens !… et en ce monde, il

n’est rien de plus précieux, Frère,
qu’eux !… Si, tel le vieux sénile,
que tu es fou il s’avère,

et que ta folie te perd :
dans ton trou, seul il est clair
tu t’enchieras !..  com Céline.



Notes :
Fine : in fine

(Extrait ELP, Recueil III "(Rubans Barbelés" © L.F. Keenan, 2015, tous droits réservés, OBPI/BBIE n° i-depot 062740))




jeudi 15 octobre 2015

INSOMNIE II


Insomnie… lorsque cette catin de minuit
entre mes satins glisse, en mes limbes s’invite,
soudain, ce jusqu’au matin, contraint, sous-produit,
je deviens le client d’une timpe gratuite :

Agonie d’Agrippine… : on m’agrippe les fripes
la vermine agrypnie m’assassine les tripes
me surine à l’épine et, le sourire aux lippes,
ô divine latine, m’incise la bite
en un coup de canine !... me voici Tacite,
en literie sanguine… à réciter du mythe

À déclamer un mythe ! oui.. mourir un mirage... :
car, servile sujet à la lucidité
manipulée, déportée vers d’autres rivages,
lige exsangue, jouet, chair à coma saignée,
au conscient, discernement, désarticulés,
je m’éveille.. et les draps sont blancs !... immaculés !

Tout cela était type
Typique un trip délire
En musique un triptyque
À la lyre onirique



(Extrait ELP, Recueil IV "Ballon Captif" © L.F. Keenan, 2015, tous droits réservés, OBPI/BBIE n° i-depot 062740)




lundi 12 octobre 2015

ROMALORIENT

I.

On ne vit pas vieux quand on nait à Gaza.
Un beau soir, saoul de sucs d’arilles de grenades,
Du mur de l’apartheid aux dessins des parias,
On va dans le désert de retour de ballade.

Le désert pèse lourd en ce lourd mois d’été !
L’air est parfois si fou qu’on ferme les paupières ;
La terre, étang de cris – la ville est encerclée –,
A des éclats de sang et des éclats de pierres…


II.

Voilà qu’on aperçoit des geysers de fumée
Et des chars, tout autour d’une population
Née sous une mauvaise étoile, enterrée
Sous l’aval de toutes les Grandes Nations

Premier août ! Deux mil-quatorze ! – On se laisse aller
– La peur est de la bile et vous monte aux délires –
À penser que peut-être on aurait dû prier,
Voire comme l’aîné postuler au martyr…


III.

Le cœur fou s’emballe dans son coffre de sable,
Lorsque, perforant l’ocre et brûlante lumière, 
Passe un convoi armé de rocs inébranlables,
De soldats tout en haine – incurable colère…

Et comme ils vous trouvent à portée de leurs voix,
Tout en mimant des bruits de tirs de carabine,
Ils vous couvrent d’insultes, d’urine et crachats…
– Sur vos lèvres alors meurent les cavatines…


IV.

Vous êtes affolé. Le décor devient flou.
Vous êtes affolé – vos élans les font rire –
Et vos forces s’en vont, vous êtes tout au bout.
– Puis, un piou à goupille vous a mis en mire !…

– Ce soir-là…, – vous regardez le mur aux parias,
Vous dégorgez de suc, d’arilles de grenade…
– On ne vit pas vieux quand on nait à Gaza,
Et qu’on s’en va dans le désert en promenade.





Notes :
Variation sur le poème « Roman » de Rimbaud : Roman à l’Orient

(Extrait ELP, Recueil I "Homme de Nulle Part", © L.F. Keenan, 2015, tous droits réservés)