lundi 12 octobre 2015

ROMALORIENT

I.

On ne vit pas vieux quand on nait à Gaza.
Un beau soir, saoul de sucs d’arilles de grenades,
Du mur de l’apartheid aux dessins des parias,
On va dans le désert de retour de ballade.

Le désert pèse lourd en ce lourd mois d’été !
L’air est parfois si fou qu’on ferme les paupières ;
La terre, étang de cris – la ville est encerclée –,
A des éclats de sang et des éclats de pierres…


II.

Voilà qu’on aperçoit des geysers de fumée
Et des chars, tout autour d’une population
Née sous une mauvaise étoile, enterrée
Sous l’aval de toutes les Grandes Nations

Premier août ! Deux mil-quatorze ! – On se laisse aller
– La peur est de la bile et vous monte aux délires –
À penser que peut-être on aurait dû prier,
Voire comme l’aîné postuler au martyr…


III.

Le cœur fou s’emballe dans son coffre de sable,
Lorsque, perforant l’ocre et brûlante lumière, 
Passe un convoi armé de rocs inébranlables,
De soldats tout en haine – incurable colère…

Et comme ils vous trouvent à portée de leurs voix,
Tout en mimant des bruits de tirs de carabine,
Ils vous couvrent d’insultes, d’urine et crachats…
– Sur vos lèvres alors meurent les cavatines…


IV.

Vous êtes affolé. Le décor devient flou.
Vous êtes affolé – vos élans les font rire –
Et vos forces s’en vont, vous êtes tout au bout.
– Puis, un piou à goupille vous a mis en mire !…

– Ce soir-là…, – vous regardez le mur aux parias,
Vous dégorgez de suc, d’arilles de grenade…
– On ne vit pas vieux quand on nait à Gaza,
Et qu’on s’en va dans le désert en promenade.





Notes :
Variation sur le poème « Roman » de Rimbaud : Roman à l’Orient

(Extrait ELP, Recueil I "Homme de Nulle Part", © L.F. Keenan, 2015, tous droits réservés)

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