Les
larmes ne coulent plus depuis bientôt mille ans… n’irriguent guère plus qu’un
cœur prisonnier en dedans… se mélangent au sang, goutte à goutte, dans les
veines… font des tours puis aux portes du voyant reviennent.
Les
larmes ont séché dans les tissus d’enfance !… À presque trente ans,
faudra-t-il une naissance ? , ou un deuil ? , pour que pleure à
nouveau le dément… que des larmes s’évaporent en nuages d’argent…
— Ô
larmes traîtresses, abandonneuses d’âme ! , qui laissez sans chagrin un
honnête frère d’armes ! , prenez garde d’abreuver le torrent de colère qui
se déverse encore entre les os et la chair !
Les
larmes s’entêtent et résistent au canon ! Elles sont dames du monde et non
dames de raison ! — Une passe de poudre, de lumière, de fumée :
sera-ce là votre prix mes catins raffinées ?
— Ô
larmes, viendrez-vous me rejoindre dans la tombe ?… aux tréfonds des
trépas ? , à la dernière seconde ?… Quand sera venu temps
d’adoucir les peurs du fini, du néant, calmerez-vous la douleur ?
Les
larmes ont coulé sur mes os bien mille ans… Inondé le cercueil ! ,
submergés les mordants ! — Ô larmes, compagnes, vous vous êtes rachetées..
en embaumant le cadavre de mon éternité.
(Extrait
ELP, Les Recueils Négatifs, Recueil -I "Le Spectre et la Carapace" ©
OBPI/BBIE n° i-depot 062740)